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Henri Maldiney, la capacité d'exister

27 Mai 2012 , Rédigé par laurent rompteaux Publié dans #livres

 

Bernard Rigaud, Henri Maldiney, La capacité d’exister, Germina, parution le 30-05-2012.

 

Bernard Rigaud présente la pensée d’Henri Maldiney, à la lumière de ce que fut sa propre rencontre avec cette œuvre. Œuvre faite pour lui de provocations et de sommations. Provocante, cette œuvre l’est en tant qu’elle invite à penser deux impensables : l’être du monde et des autres, accessible sur la seule base d’une rencontre avec eux, et notre propre être, dont la rencontre, elle-même essentielle, ouvre à la surprise d’exister. Quant aux sommations, elles sont d’aller en premier lieu « là où des hommes sont mais n’existent pas », l’asile psychiatrique en particulier, où des êtres ont perdu la capacité d’exister ; mais ils pourraient la trouver à la faveur, précisément, de l’expérience de la rencontre. Un des apports majeurs de la pensée de Maldiney est d’avoir su parcourir les voies thérapeutiques qu’ouvre l’art dans le domaine des dysfonctionnements de l’esprit. En second lieu, c’est dans l’atelier de l’artiste que Maldiney nous invite à entrer, autre lieu privilégiée de la surprise d’exister.

 

 

Un parcours pluridisciplinaire a conduit Bernard Rigaud du droit, à la science politique, à l’histoire, en passant par la philosophie. Il s’est investi dans la recherche en psychanalyse et en anthropologie. Après plusieurs années consacrées au développement et au financement des entreprises, il dirige actuellement un centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie. Il est docteur de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales.

 

 

Quatrième de couverture :

 

La pensée d’Henri Maldiney, né en 1912, couvre les champs de la maladie mentale, de l’art, de la philosophie, ouvrant entre ces domaines des chemins inattendus. Il a influencé nombre de psychiatres, de philosophes et d’artistes.

 

Partant des différentes modalités du mal-être, de la dépression, de la psychose, la pensée d’Henri Maldiney devient une pensée sur l’être. Mais comment penser ce qui est ? Nous serons conduits par cette question vers une nouvelle compréhension de la maladie mentale, découvrant en particulier la dimension humaine de la folie, et faisant une nouvelle expérience de l’art.

 

 

La meilleure façon de proposer une introduction à cette pensée est sans doute de faire partager une expérience de rencontre. Bernard Rigaud, en travaillant sur différents sujets, a croisé et recroisé de façon régulière la pensée de ce philosophe. À chaque occasion, il a été éclairé et inspiré.

 

Extrait

  

 

Lyon, 1980. Il fait son cours assis, sans aucune note, voix monocorde. Ses mots semblent sortir des tréfonds de son âme. Ils n’en paraissent pas moins inspirés par un impalpable au-delà. Son élégance toute britannique, arbore tweed ocre brun et kaki ; sa chevelure blanche et dense pèse sur sa tête qui rentre légèrement dans les épaules, comme empreinte d’humilité. Captivés, les étudiants ont de violentes et roboratives respirations, comme sortant d’une apnée.

 

 

Henri Maldiney déroule sa pensée faite de sommations et de provocations, comme s’il égrenait un chapelet. J’étais loin d’imaginer que cette pensée serait un point d’ancrage de mon existence : elle ne me renvoyait alors qu’à une certaine perplexité, marquée du malaise de ne pas la saisir. Longtemps je l’ai fréquentée avec un sentiment de précarité dans ma compréhension. Le cordon qui me reliait à cet entendement était incertain et fragile. Je ne me décourageais pas. Il me faudra du temps pour que je comprenne que cette pensée me conduisait à la « chose même » de l’existence.

 

 

Cette « chose même », l’existence, c’est « la possibilité toujours ouverte de rencontrer, et la rencontre est en toute situation humaine, le moment de réalité ». Mais ce noyau dur, insécable, est extrêmement volatile, il est comme une image nette sur un support vaporeux… éphémère mais toujours recomposable avec la concentration de l’imagination.

 

L’œuvre d’Henri Maldiney, né en 1912 à Meursault en Bourgogne et élevé en Franche-Comté (lycéen à Besançon puis à Lyon), pourrait être qualifiée de poétique comme on peut le dire, au sens large, d’une forme de langage qui change une forme de vie, ou inversement d’une forme de vie qui change une forme de langage. En parler, c’est bien sûr faire référence à un ensemble de livres qui constituent l’œuvre écrite. Il s’agit principalement de quatre grands ouvrages : Regard, Parole, Espace (L’Âge d’Homme, Lausanne, 1973), Art et existence (Klincksieck, Paris, 1985), Penser l’homme et la folie (Jérôme Millon, Grenoble, 1991), Ouvrir le rien, l’art nu (Encre marine, La Versanne, 2000). Ces publications ont eu un caractère tardif et Maldiney a d’abord fait « œuvre orale » : celle de son enseignement à Gand d’abord, puis principalement à Lyon.

 

Élève de l’École normale supérieure, où il a obtenu l’agrégation de philosophie, il a été prisonnier en Allemagne pendant la guerre, puis professeur d’université titulaire de la chaire de Philosophie générale, d’Anthropologie phénoménologique et d’esthétique. Discutant Martin Heidegger, Ludwig Binswanger et Erwin Straus, commentant Freud, Husserl et Szondi, il a contribué de manière décisive à l’analyse existentielle (Daseinsanalyse). Grand lecteur des classiques grecs et allemands, qu’il questionne sans cesse, il est devenu familier de la pensée chinoise et d’œuvres majeures de peinture de la Chine ancienne.

 

La meilleure façon de proposer une introduction à la pensée d’Henri Maldiney, c’est peut-être de faire partager une expérience personnelle de rencontre. Plus précisément de la rencontre du concept de rencontre, comme fondement de l’existence et de la réalité. En travaillant différents sujets, et ainsi que dans l’activité de l’écriture et de la peinture, j’ai croisé de façon régulière cette pensée, avec le sentiment, parfois fugitif mais réjouissant,d’y voir plus clair… Je comprenais qu’elle me ramenait chaque fois à l’essentiel, me permettant de prendre appui, à partir de « l’irréductible », cet idéal philosophique. Idéal qui prend une coloration particulière, puisqu’en croyant se confronter à du solide, on est face au… « rythme de l’ouverture au monde ». Qu’on ne s’y trompe pas, c’est bien en fait là le « solide », mais comme peut l’être le souple roseau.

 

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