Lire Sandor Ferenczi : un disciple turbulent
Vient tout juste de paraître, nous ne l'avons pas encore lu mais ça ne saurait tardé.
Hélène Oppenheim Gluckman, psychiatre et psychanalyste, docteur en psychopathologie fondamentale, est membre de la Société de psychanalyse freudienne et de la Société médicale Balint, et est " leader " de Groupes Balint. Elle a publié : " Mémoire de l'absence, clinique psychanalytique des réveils de coma ", Paris, Masson, 1996 ; " La Pensée naufragée, clinique psychopathologique des patients cérébro-lésés ", Anthropos, 2006 ; et avec Daniel Oppenheim, " Héritiers de l'exil et de la Shoah, entretiens avec des petits-enfants de Juifs venus de Pologne en France ", érès, 2006.
- Les premières lignes
Introduction
Pourquoi lire Sandor Ferenczi ?
Novateur, courageux, Sandor Ferenczi a introduit des idées nouvelles sur la régression, le traumatisme, le transfert et le contre-transfert, qui interrogent en profondeur la pratique de la
cure. Ses textes posent des questions cliniques encore actuelles et ouvrent la voie à d'autres psychanalystes... qui n'ont pas toujours fait référence à ses apports.
Ferenczi, élève et analysant de Freud, fut longtemps un «analyste maudit», à cause de ses controverses avec Freud à partir des années 1920 et après la publication par Ernest Jones de l'histoire
du mouvement psychanalytique. Pourtant, nombre de ses intuitions et de ses élaborations ont imprégné le développement de la théorie psychanalytique : l«identification à l'agresseur», ses
réflexions sur le traumatisme et les effets de la violence des adultes sur les enfants, sa conception du transfert et du contre-transfert... Il a également ouvert la psychanalyse (avec Otto
Rank) à la préoccupation du maternel et de l'archaïque. Il n'a pas «fait école» et il s'est toujours défendu de vouloir le faire, bien qu'un psychanalyste comme Michael Balint se situe
explicitement dans sa filiation.
Ferenczi a permis, parfois sans références explicites à son oeuvre, le développement de divers courants dans la psychanalyse. L'accent mis sur le rôle de l'environnement dans la construction de
la psyché, ainsi que sur le maniement de l'ici et maintenant du transfert et du contre-transfert dans le processus de la cure, a ouvert la voie aux théories centrées sur la «relation d'objet»
et l'intersubjectivité; des textes comme «L'enfant mal accueilli et sa pulsion de mort», «Principe de relaxation et néocatharsis» ou d'autres encore ont anticipé la notion de «faux self».
Ferenczi inventa le concept d'introjection, repris d'une part par Freud et d'autre part par Nicolas Abraham et Maria Torok dans leurs conceptions des pathologies du deuil, ainsi que celui
d'«autoclivage narcissique», qui permet d'aborder les modalités de dépassement du traumatisme.
Les textes de Ferenczi témoignent d'une pensée en évolution. Il n'hésite pas à critiquer ses idées dans l'après-coup. D'abord clinicien, il a sans cesse interrogé le cadre de la cure-type, la
technique psychanalytique, ses indications, avec le souci d'étendre la psychanalyse à des pathologies autres que la névrose. Ferenczi, disait Balint, était toujours en recherche, ses
élaborations ne constituant pas une théorie globale comme pour d'autres analystes. «C'est toujours la cure elle-même qui lui importait, et jamais l'élaboration d'un système bien clair.» Le
souci d'étendre les indications de la cure-type, l'attention portée au matériel psychique archaïque et préoedipien ont ouvert la voie aux psychothérapies pratiquées par les analystes, à la
clinique de la régression et à celle des «états-limites».
Dans la nécrologie de Ferenczi, Freud écrit : «L'aspiration à guérir et aider était devenue sa préoccupation prévalente.