Protestation contre la fermeture de la Fondation Publique Pikler Emmi
FONDATION PIKLER-LOCZY
Nous avons appris récemment la décision du Gouvernement Hongrois de supprimer la Fondation Publique (közalapitvàny) Pikler Emmi. De quoi s’agit-il? La pédiatre psychanalyste Emmi Pikler avait
fondé, peu après la dernière guerre mondiale, à Budapest rue Loczy, un lieu d’accueil pour enfants orphelins ou abandonnés, essentiellement âgés de 0 à 3 ans.
La prise en charge était basée sur le développement de liens individualisés entre l’enfant et une, ou un très petit nombre, (8), de puéricultrices, la reconstruction, d’une ambiance de type
familial, offrant à l’enfant la sécurité et la stabilité affective nécessaire à son développement; de plus, chaque fois que cela s’avérait possible, les liens étaient conservés avec la famille
d’origine. La relation privilégiée permettait ainsi l’investissement affectif. Cette méthode, développée par Emmi Pikler, et qui va à l’encontre des prises en charge anonymes, avec des rotations
de personnel, soumis à une logique économique, (souvent traumatisantes pour l’enfant) pratiquées dans les orphelinats classiques, a fait école tout d’abord en Hongrie, puis au niveau
international. Il existe actuellement un réseau de fondations Pikler couvrant onze pays. Pour l’anecdote, ajoutons que la Ville de Paris a donné à un square le nom d’Emmi Pikler. De nombreux
stagiaires étrangers, médecins, psychologues, puéricultrices, viennent rue Loczy à Budapest, pour des sessions de formation pratique. Un enseignement théorique y est également dispensé par des
universitaires de haut niveau, résultat d’un travail scientifique basé sur la clinique, travail que la suppression de l’Institut rendra désormais impossible.
À propos de la méthode Pikler, citons ici un extrait de l’ouvrage « La psychanalyse à l’épreuve du bébé », par Albert Ciccone, professeur à l’Université Lyon 2 (Dunod 2011, Éditeur) : «
L’activité spontanée librement exercée par le bébé est en effet pour Pikler (1970), une composante fondamentale et essentielle de sa construction psychique élémentaire. Cette activité spontanée
autonome par laquelle le bébé découvre, développe, exerce ses compétences, se déploie dans le cadre d’une relation chaleureuse, sécurisante avec un adulte attentif. » ... » Il organise
l’environnement afin que celui-ci soit approprié aux besoins et au développement du bébé, et assure les conditions de déploiement de son activité autonome » ... » On comprend qu’une telle
position éducative est très proche de ce que devrait chercher à atteindre toute position soignante, dans toute pratique thérapeutique. » Voici donc l’institution que l’on est en train de
supprimer.
D’après une source proche du Gouvernement Hongrois: « le placement familial des petits-enfants est une option privilégiée dans le système hongrois de protection de l’enfance »... » depuis 1977
»... » un assez grand nombre de foyers pour bébés a été supprimé et la proportion des placements familiaux a augmenté ». Il s’agit donc bien là d’une option politique globale, coordonnée, face au
problème de l’enfance abandonnée. Il convient d’ajouter ici que ces placements se font très souvent chez des familles n’ayant reçu aucune préparation à cette tâche, qui ne sont souvent motivées
que par la possibilité offerte d’un revenu supplémentaire, et qui négligent l’enfant, faute de suivis réels. Bref une politique qui va directement à l’opposé de l’enseignement d’Emmi Pikler.
Cette méthode est, par contre, plus économique pour l’Etat.
La décision du Gouvernement Hongrois de supprimer la Fondation Pikler est essentiellement liée à des considérations financières. Celui-ci a certes des excuses: le contexte international actuel
(voir la situation dramatique de la Grèce) le contraint à privilégier le remboursement de la dette envers le système financier multinational, et à sacrifier de ce fait les besoins sociaux même
les plus évidents. Il y a néanmoins des hiérarchies à respecter, et à faire respecter; on ne peut éthiquement tailler des économies dans n’importe quoi n’importe comment. Et on ne doit pas penser
que pour l’opinion publique il ne reste plus rien à faire. Des protestations, surtout si elles prennent une ampleur internationale, peuvent amener le Gouvernement à infléchir sa position. D’autre
part, l’existence d’un réseau international de Fondations Pikler, réseau dont l’avenir est lui-même basé sur la survie du noyau hongrois, présente un caractère d’utilité publique européenne. Un
financement par le budget de l’Union ne serait-il pas possible? Nous lançons là quelques idées comme une bouteille à la mer...
Rudolf Kálmán
Adresse de l’Association française:
Association Pikler Loczy, 20 rue de Dantzig 75015 Paris
Tél. 01 53 68 93 50
www.pikler.fr/association/presentation.php
Article original paru initialement dans le bulletin de l'Association nationale Amitiés France-Hongrie