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Psychanalyse et politique, sujet et citoyen : incompatibilités ?

27 Février 2010 , Rédigé par laurent rompteaux Publié dans #livres

Cet ouvrage retrace une des rencontres-débat du CIPA (lien ajouté à psychanalyse et anthropologie). C'est un recueil d'interventions et pour certaines de très haute qualité. Le sociologue Louis Moreau de Bellaing interroge dans un premier temps les notions de sujet, citoyen et de démocratie, il tente des définitions "Nous appelons individu social ce double bord du sujet, celui qui reçoit et celui qui rend. Nous appelons sujet celui qui mixte, qui fait la combinaison irréductible à tout autre".

 Les psy ayant une approche groupale seront agréablement surpris de la qualité des réflexions qui parcourent cet ouvrage, par exemple , presque au détour d'une phrase Jean Peuch-Lestrade écrit " Asymétrie fondamentale du sujet et de l'objet chez Freud contrairement à Ferenczi qui cherche à les prendre en compte de manière complémentaire. Une des causes des problèmes des psychanalystes avec l'intersubjectivité et la question groupale se trouve peut être là."

Viennent ensuite 3 textes de grande qualité. Tout d'abord celui de Marie-Laure Dimon qui interroge la place de la folie comme "radicale singularité de l'humain" dans la démocratie actuelle qui ne s'intérésse plus qu'au chiffre, à la masse. Ainsi la folie se fond de plus en plus dans le social.

Puis autre texte fort celui d'Olivier Douville qui reprend son questionnement sur la mélancolisation du lien social. L'auteur plaide pour une rencontre interdisciplinaire pour comprendre les "nouvelles lignes de socialisations et de subjectivations". Olivier Douville part de la clinique des professionnels qui travaillent sur des situations de migrations, d'errance, d'exil et d'exclusion qui amènent à penser le sujet "moderne". L'approche psychanalytique rend toute sa place au symptôme qui ouvre pour le sujet parfois sa seule liberté face à une place assignée dans l'histoire.
Et ce sont de nombreuses pistes de réflexion et de travail que nous livre ainsi l'auteur, par exemple quand il écrit " que le sujet ne puisse être privé de sa parole et de sa demande, mais qu'il ne puisse non plus rester enfermé dans sa parole et sa demande."

Il resitue la place du corps dans la pratique comme point d'ancrage chez les exclus. Nous rappelle de nous méfier du réel de la cruauté sociale.

Les questions posées sont particulièrement fortes et nous interpellent "Le psychisme semble un luxe, un "en trop". Le psychisme sert 'il encore à quoi que ce soit lorsque la relation à autrui ne sert plus à rien ?".

Après cette intervention d'une grande force, en voici une autre, magistrale, qui mériterait un développement au sein d'un ouvrage particulier. Il est rare de lire un texte d'une telle force, d'un tel engagement. Il est signé par Emmanuel Diet qui ose s'engager, prendre position.

Tenez dès les premières lignes " La naïveté politique et l'aveuglement idéologique de beaucoup d'analystes n'ayant jamais interrogé leurs appartenances de classe et  l'inscription de leur pratique dans la contextualité sociale, a souvent conduit, sous prétexte de pureté théorique, à une méconnaissance dramatique de l'inscription historique de la subjectivation au nom de l'intemporalité de l'inconscient et de la centration sur l'intrapsychique".

Voilà le ton est donné, les choses posées, Emmanuel Diet en esprit libre ose !

Plus loin par exemple il s'attarde sur l'adjectif "nouveau", comme dans "nouvelles thérapies" pour mieux en pointer "la bêtise, la nullité et l'arrogance hypermoderne".

Evidemment son texte vous l'aurez compris me parle fortement comme lorsqu'il s'attaque à l'impérialisme force de déculturation, oui parler de "produits culturels" à la place d'oeuvre à quelque chose de répugnant.

L'auteur dénonce avec intelligence la perversion hypermoderne et ses effets destructeurs sur le Sujet et sur nos pratiques ( l'attaque de la pensée dans nombre d'institutions).

Il est temps pour les praticiens que nous sommes de nous questionner, Emmanuel Diet écrit " tout clinicien doit être attentif à ne pas se laisser envahir par la prégnance de la réalité traumatique extérieure, tout en la reconnaissant dans la brutalité de son efficience et de sa factualité. De plus en plus, et singulièrement lorsqu'il travaille en institution, le psychanalyste ou plus généralement le clinicien, se trouve avec des éléments de réalité qui menacent ou intrusent son dispositif, mettent en danger sa position symbolique et ses modalités de travail sous prétexte d'évaluation de sa pratique ou de contrôle gestionnaire.". Et cela n'est jamais sans répercussions sur la clinique .

Ceci n'est que court résumé, extrait d'un texte bien plus riche, plus dense mais je pourrais citer tant de phrases qui me parlent, comme celles sur la place du père qui dénoncent à juste titre les discours pseudo-savants sur la disparition de l'autorité teintés de moralisation et qui ouvrent la voie à des réponses toujours plus sécuritaires.

Vous aurez compris qu'il est difficile de résumer ce texte autant qu'il est difficile d'arrêter d'en parler. Lisez le !!!



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