« Qu’est-ce qui fait tenir les hommes ensemble ? »Lille 17/11
« Qu’est-ce qui fait tenir les hommes ensemble ? »
Journée d’études du 17 novembre 2011
Les relations entre les êtres ne semblent plus aujourd’hui constituer une évidence. Elles sont observées, et analysées, avec attention en raison de leur fragilité, voire de leurs « pathologies », qu’il s’agisse des aspects les plus individuels du lien, ou de la manière dont se constitue le lien social dans son ensemble.
Cette attention à un lien fragile, à soutenir, voire à créer, ou à recréer, se joue dans une tension où le « sujet » du lien, actif et créateur, s’avère aussi « objet » passif du même lien, exposé à l’intrusion ou à l’abandon. L’alternance entre activité et passivité se situe même au cœur de la génération du lien. Les exigences de reconnaissance mutuelle sont ainsi essentielles dans notre culture, mais il n’est possible de reconnaître l’autre que si on a été soi-même reconnu. Le sentiment d’amour ne se déploie dans son ampleur, quant à lui, que chez des sujets ayant expérimenté le fait d’être aimé. Cette alternance de passivité et d’activité engendre des contradictions. L’angoisse de ne pas être reconnu, comme celle d’être abandonné, conditionnent beaucoup d’actions du sujet contemporain. « L’amour liquide » de la modernité tardive se meut entre fragilité et rupture. Le vœu d’autonomie entre en tension, quant à lui, avec le souhait de reconnaissance, ce qui entraîne une oscillation entre deux pôles : le sacrifice symbiotique, d’un côté, où l’on se dissout dans l’autre par peur de le perdre, et d’un autre côté, l’affirmation individuelle de soi dont l’extrême peut mener à l’isolement[1].
Dans cette réalité mouvante, qu’en est-il des stratégies individuelles, et collectives, de constitution et de thérapeutique du lien ? Cette journée de travail aura à déterminer, en sus de son approche « diagnostique » la manière dont se déploient certains aspects essentiels de l’attention au lien : la dimension du soin, dans son acception première issue des liens parentaux ou à travers un concept plus général de souci de soi et/ou de l’autre, la dimension de l’hospitalité, qu’elle apparaisse comme une composante du soin, ou qu’elle recouvre une ouverture relationnelle plus générale, voire un dynamisme familial (hospitalité généalogique). Il s’agira de préciser dans quelle mesure l’expérience « première » du lien serait aussi « dernière », et supposerait aujourd’hui une dimension éthique. Nous aurons enfin « souci » d’articuler, dans ces travaux, les dimensions individuelles et collectives, notamment à travers ce qui se passe dans l’espace familial et amical, microcosme privilégié, où se reflètent et se répercutent la plupart des tensions qui affectent l’ensemble de la société.
Chaque demi-journée sera organisée autour de l’intervention d’un auteur invité (Frédéric Worms le matin, Jean-Philippe Pierron l’après-midi), sur la base d’un exposé de 45 à 60 minutes. Les participants à notre séminaire annuel (« Ethique de la famille et du sujet contemporain ») seront « répondants » et élaboreront de courtes interventions de relance de la discussion commune.
10 heures-13 heures avec Frédéric Worms (1 heure d’intervention, puis débat, dont questions de deux répondants)
Déjeuner
14h 30- 17 heures avec Jean-Philippe Pierron (même schéma)
Frédéric Worms est directeur du Centre International d’Etude de la Philosophie Française Contemporaine. Il est professeur d’Histoire de la philosophie moderne et contemporaine à l’Université de Lille III.
Spécialiste de Bergson, il a dirigé la nouvelle édition de ses œuvres dans la collection « Quadrige/grands textes »
A lire : Le moment du soin. A quoi tenons-nous ?, PUF, Coll. Ethique et philosophie morale (Pour ce qui concerne le travail de notre séminaire, on peut commencer par l’introduction [p. 5-15], « Les deux concepts de soin » [p.19-36], « Importance et fragilité de l’amour » [p. 179-186]).
Jean-Philippe Pierron est maître de conférences (spécialité « éthique et droit ») à la faculté de philosophie de l'université Jean Moulin, Lyon III. Il est membre du Comité Régional d’Ethique de Bourgogne.
A lire : Le climat familial. Une poétique de la famille, Ed. du Cerf, coll. « La nuit surveillée », 2009 (Pour ce qui concerne le travail de notre séminaire, on peut lire les chapitres II « De la famille à la parentalité » (p. 45-97), et IX « « Ma » famille ? Ethique et droit de la famille », p 379-441).
[1] Axel Honneth, La lutte pour la reconnaissance, trad. P. Rusch, Paris, Cerf, 2007.
C'est à la Catho à Lille 60 bd Vauban, c'est gratuit